Les Vietnamiens et less préjugés
Tout commence d’une remarque qui s’entend parfois, et sans aucun doute celle qui me dérange le plus. Laura, ma voisine d’avion italienne me l’a dit elle aussi. Elle s’attendait à rencontrer une population vietnamienne pas sympa, froide et distante, intéressée seulement par l’argent des touristes. Elle avait même un plan B, tester Hanoï (et les Vietnamiens pas sympas), puis descendre vite vers HCMville et revenir vers un coin de Thaïlande qu’elle avait exploré. Hé oui, elle venait donc à Hanoï avec une certaine curiosité, mais en pensant que ça n’allait pas le faire!
Les Vietnamiens sont chaleureux: allons à leur rencontre!
Comme je l’écrivais dans un article précédent, j’ai vécu dans ce pays en 2004-2005, bien immergée dans la province de Nghê An, au contact exclusif des Vietnamiens adorables de mon entourage. Déjà à l’époque j’entendais parfois courir ce bruit sourd, « les Vietnamiens ne sont pas…pas sympas, quoi. » Ça m’a toujours marquée, parce que c’était l’exact opposé de la plupart des retours d’expérience que j’avais! Je ne comptais plus le nombre de personnes vraiment tombées sous le charme du pays et de ses habitants.
J’ai observé que les voyageurs un peu déçus du contact avec les gens étaient parfois ceux qui parcouraient la péninsule et arrivaient au Vietnam après avoir visité le Laos, le Cambodge, pays de tradition bouddhiste, ce qui n’est pas le cas du Vietnam. La différence de personnalité peut être marquée. [NDLR: en me relisant, à la fin du séjour, j’ajoute que j’ai recroisé à Hanoï une famille dont j’avais fais la connaissance du côté de Mai Chau. La première chose que la mère me dit, après un périple entre Hanoï et le Nord Vietnam fut: « Qu’est-ce que les gens sont zen! Je ne m’attendais pas à rencontrer des gens aussi zen! »]Mais enfin, c’est quand même injuste de donner un avis négatif sur des gens, juste parce qu’ils sont plus expressifs, directs et dynamiques!
Laura s’est fait arnaquer…
Les fois où j’ai vu/ eu vent de voyageurs mécontents, à chaque fois, c’était à la suite d’une -j’insiste sur le UNE- expérience malheureuse avec un commerçant. Un restaurateur qui présente une addition ne correspondant pas à ce qu’avaient prévu les clients (pourtant, les plats étaient clairement présentés, jolie photo et prix en VND), je ne suis pas allée voir d’où venait le malentendu.
Puis, Laura, l’italienne que je revois à Hanoï (voir l’article « se préparer au Vietnam 1« ) me raconte qu’elle s’est fait arnaquer par un taxi, elle a payé 15€ pour un trajet court. Ça m’étonne, je lui demande les détails…En fait elle n’a pas discuté prix avant de monter. Le compteur a affiché « 15 ». Et au lieu de tendre 15 000 VND et d’y aller, elle demande combien ça fait en euros, elle n’a que ça. Avec la barrière de la langue, le chauffeur lui montre le compteur avec insistance: le tarif en Vietnam Dong. Hé oui, en euros, ça ne correspond à rien, c’est 0.60 €!
Comment te dire, Laura…A l’aéroport, tu n’avais que des euros en poche. Je t’avais montré le distributeur dans la salle des visas. Je t’avais conseillé de retirer un peu de liquide. Mais ancrée dans tes préjugés, tu es restée sur l’idée que tu n’allais pas te plaire à Hanoï, donc inutile de changer de l’argent, tout le monde accepte les euros. Les hôtels et restaurants où tu comptes aller acceptent la carte bleue. Le chauffeur de taxi et son compteur, comme à Milan, aussi, sûrement? Donc lorsqu’il te montre le « 15 » sur le compteur, tu finis par t’agacer de ne rien comprendre aux explications du chauffeur et tu lui tends 15€ en le fustigeant. Et tu diras à tous, comme à moi le lendemain, « Pu…., je me suis fait arnaquer par un chauffeur de taxi qui m’a fait payer 15€ pour un petit trajet dans le centre! »
Mon expérience des commerçants.
C’est un vaste sujet, mais je ne vois pas à quelle occasion j’ai pu croiser des Vietnamiens « pas sympas » auparavant. Dans le Nord: un peu à Sapa, un peu au grand marché de Bach Ha, sous les halles. Là où les gens ont besoin de vendre parce qu’il n’y a pas d’autre source de revenus. Les vendeuses nous interpellent, c’est vrai, elles se montrent un peu insistantes. Mais j’ai quand même pas mal papoté avec une vendeuse de Bac Ha, par ailleurs prof de cuisine dans cette ville, qui maniait un peu l’anglais. Elle m’a donné plein de bons conseils pour choisir l’artisanat, les tissus. Elle peut aussi coudre pour ajuster les jupes. A Hanoï, jamais vu de commerçant insistant. Soit on est accueillis avec gentillesse, soit on nous fiche la paix et on nous laisse déambuler librement.
Quant à l’intérêt pour l’argent des touristes, j’ai des exemples très précis. Ce soir, petite ballade dans le vieux quartier. Je sors mon téléphone de la poche, j’entends une personne qui interpelle derrière moi, mais je continue…Finalement, je me retourne. Des gens me faisaient signe assez loin derrière, et une vendeuse courait vers moi: j’avais fait tomber un billet qu’on me rapportait gentiment.
Au marché des potiers, j’achète des tasses à café. Le prix est affiché, je ne négocie pas parce que c’est déjà un prix bas pour des articles faits main. J’additionne rapidement dans ma tête et lui tends 220 000 VND. Elle me rend les 20 000VND: non, ça fait 200 000 (soit 7.80€), et pas 220 000. Pour 4 tasses à café et deux tasses avec filtre pour faire le café vietnamien.
J’achète des « na » ou pommes-cannelle au marché de Nghia Lo, on me dit que c’est 15 000 VND. A quel moment, les gens nous arnaquent-ils? Il n’y a que sur la vente de souvenirs que j’ai négocié un peu. Sinon, dès que j’achetais des fruits, des petits plats de rue, une boisson: le prix qui m’était demandé était toujours similaire ou identique à celui demandé aux autres clients derrière moi.
La proviseure belge de Nghia Lo
En revanche, une femme belge rencontrée à Nghia Lo m’a raconté avoir été imprudente avec son téléphone. Elle l’a glissé dans une poche de sa robe alors qu’elle se trouvait sur le pont du lac Hoan Kiem. Il a ensuite disparu…Cela peut arriver, comme dans toute capitale, restons donc prudents lors de nos sorties! Sa guide a fait le nécessaire pour la sortir de l’embarras, l’accompagner racheter un téléphone et une carte SIM 4G, le soir même. Et que des Vietnamiens chaleureux dans les récits de cette Belge!
Par ailleurs, j’ai trouvé son guide francophone particulièrement attentif à son bien-être, patient, rassurant. Alors qu’avec son tempérament fort d’ex-proviseure de lycée, elle avait été victime d’un grave accident lui laissant de sérieuses séquelles aux jambes. Tout était un peu compliqué sur le plan motricité, c’était son premier voyage depuis son hospitalisation. Elle m’a raconté ses souffrances, les opérations, la retraite anticipée, la dépression de l’année passée. Puis le besoin impérieux de réagir, de se prouver que la vie pouvait reprendre son cours. Une amie vient à Hanoï pour une mission médicale, elle la rejoint et en profite pour découvrir seule le pays pendant un mois. Depuis qu’elle est là, elle revit. Elle s’abreuve de la beauté de ce pays. Quant à son guide, il écoute avec attention, reçoit les compliments, est heureux de lui faire vivre ces beaux moments.
Je trouve l’exemple de cette femme très révélateur de ce que l’on peut expérimenter ici. Encore une fois, on va bien au-delà du concept des Vietnamiens sympas, mais dans un sens inné de la préoccupation pour les autres. Une envie de partager avec l’autre, de lui faire plaisir, d’être à l’écoute.
Pour ma part, aucun incident à déplorer. Je baigne dans un baquet de sourires, de prévenance, de dynamisme positif et contagieux. Du petit matin jusque tard le soir, je me nourris de ces bonnes vibrations.
Il est comment, alors, « le » Vietnamien? Sympa ou pas sympa?
Je m’amuse un peu à jouer l’anthropologue pour dresser un portrait du tempérament auquel je pense. Évidemment, ce petit jeu des portraits est très caricatural. C’est ma façon de peindre avec les mots un tempérament que j’associe avec ce pays. Si j’avais plus de temps, je prendrais le temps de dresser aussi le portrait de la Vietnamienne, elle mériterait bien tout un article. Mais ici, je les associe dans la description.
Un Vietnamien peut montrer un tempérament vif, énergique, ne pas s’embarrasser de salamalecs, être pressé, impatient (les files d’attente, c’est pas trop son truc). Le Vietnamien est travailleur, entreprenant, persévérant. En effet, toujours un projet en cours, des idées à mettre en œuvre, et beaucoup de travail à fournir pour faire vivre ses proches qui peuvent être nombreux. Son rythme, au quotidien, n’est pas celui des vacanciers. Voilà peut-être pourquoi certains pensent que «les Vietnamiens ne sont pas sympas »? Parce qu’ils vivent sur les mêmes espaces que les touristes, mais pas au même rythme?
Il peut y avoir un peu de distance, au premier abord. Ce n’est pas de l’antipathie pour autant ! Dans la minute qui suit, on peut vous décrocher un grand sourire et vous taper dans le dos car le Vietnamien a beaucoup d’humour sous un abord parfois sérieux. Et beaucoup de gentillesse. Vraiment. Que vous soyez Vietnamien, Français, Coréen…C’est une valeur naturelle d’aider les autres, ici.
J’ai aussi rencontré un bon nombre de Vietnamiens au caractère doux, calme, avec un côté philosophe. Dans les familles qui accueillent les voyageurs, la serviabilité et l’attention aux autres ne sont pas de vains mots. De beaux échanges sur nos parcours de vie, c’est vraiment intéressant de pouvoir sonder un peu l’âme vietnamienne; merci aux traducteurs/ guides, ils ont toujours participé à la discussion et permis les échanges avec toutes ces personnes. Et jamais de Vietnamiens pas sympas..Décidément, ils se font rares.
Les Vietnamiens: chaleureux et pleins d’humour.
Au Vietnam, on klaxonne beaucoup pour prévenir les autres conducteurs qu’on arrive. Pendant le trajet à moto vers le village des potiers, j’ai demandé à mon guide pourquoi il venait de klaxonner alors qu’il n’y avait personne. Il a répondu « parce que je viens de voir une mouche ». J’en ris encore…Le rire rapproche et le sourire est un laissez-passer comme dans de nombreux pays, même avec l’obstacle de la langue.
Je n’essaie pas de faire un plaidoyer, certains n’auront pas la même vision des choses que moi. Au final, j’ai reçu tellement de marques de gentillesse, d’attention, de bienveillance ici que ce serait impensable pour moi de dire « les Vietnamiens ne sont pas sympas ». Ils sont tout le contraire. Curieux envers nous, assez espiègles, aimant nouer le contact même pour quelques minutes.
Au Vietnam, les gens sont toujours contents de parler de leur culture, de nous apprendre des mot, ou de nous faire goûter des choses. Par exemple, mon voisin de car vers Lao Caï m’a offert un quartier de prune de cythère, que je n’avais mangée que compotée ou en confiture. Un goût acide, comme une pomme pas encore mûre, mais plein de vitamines. Il a bien ri en voyant ma bouille lorsque j’ai croqué dans le fruit assaisonné de sel et d’un peu de piment.
Avant de commencer un voyage au Vietnam, débarrassons-nous des des préjugés, n’écoutons pas les fâcheux. Préparons-nous à aimer ce pays, à avoir envie d’y revenir. D’ailleurs, nous sommes bien placés pour savoir qu’un peuple qui cuisine de si bons mets ne peut pas être peuplé de mauvaises personnes. Il faut du cœur, de la générosité, de l’envie de faire plaisir et de partager, non ?
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